Le défi écossais
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Le Monde 1er juillet 2016
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L'Ecosse prend l'Europe à témoin
La dirigeante écossaise, Nicola Sturgeon, a
cherché, en marge du sommet, à dissiper les réserves sur l'indépendance
Le chassé-croisé fut éloquent. Mercredi 29
juin, Nicola Sturgeon, la première ministre écossaise, est arrivée à
Bruxelles quelques heures à peine après le départ du premier ministre
britannique, -David Cameron, reparti la veille au soir à Londres pour
ferrailler dans une houleuse séance de questions à la Chambre des communes
sur les responsabilités du " out ".
En face du bâtiment du Conseil européen, où les
" Vingt-Huit moins un " chefs d'Etat et de gouvernement européens
prenaient acte du vote britannique en faveur du " Brexit ", Mme
Sturgeon a cherché à faire entendre, au cœur du -continent, la voix
d'une " Ecosse européenne ". " J'ai le devoir de
faire respecter la volonté démocratique de mes concitoyens en faveur de
l'Europe. Si nous sortions de l'Europe, ce serait contre notre gré et cela n'est
pas acceptable ", a lancé la leader du Parti national écossais (SNP)
devant une foule de journalistes convoqués à la Scottish House, la
représentation bruxelloise du gouvernement régional. Vêtue de bleu et de
blanc aux couleurs du drapeau national, elle veut rappeler haut et fort que
ses concitoyens ont massivement voté pour le " in " (62 %) et
qu'elle compte sur le soutien de l'Union.
Un peu plus tôt à Londres, le premier ministre
démissionnaire, M. Cameron, privé de conseil pour cause de " Brexit
", venait de régler ses comptes avec le leader travailliste, Jeremy
Corbyn, aux abonnés absents dans la campagne du " in " : "
Pour l'amour du ciel, mec, va-t'en ! - " For heaven's sake, man… Go !
" - ". Le ton employé et le mépris affiché étaient plus proches
du " casse-toi ! ". Langage auquel les vieux bancs verts de
Westminster ne sont guère habitués.
Sérieux remous
Fine politique, Nicola Sturgeon, elle aussi, a
compris l'importance de ce moment " de grave préoccupation pour les
gens du Royaume-Uni et pour l'Union européenne elle-même ". Mais
elle pèse ses mots pour mieux plaider sa cause : " S'il apparaît que
le seul moyen de protéger la relation entre l'Ecosse et l'Union européenne
serait l'option de l'indépendance, je crois que c'est un choix que les
Ecossais ont le droit de faire ",explique-t-elle, bien décidée à
utiliser ce levier pour réaliser son rêve manqué lors du référendum de 2014, voire,
à terme, pour occuper le siège laissé vacant par les Britanniques.
A en croire Nicola Sturgeon, le ton et l'attitude de
ses interlocuteurs bruxellois ont bien changé depuis deux ans. " Je
suis encouragée par la volonté d'écoute que j'ai trouvée aujourd'hui ",assure-t-elle,
tout en reconnaissant que cela ne se traduira pas par " une voie
toute tracée " pour l'Ecosse.
En réalité, sa très médiatique irruption bruxelloise
complique encore un peu plus l'équation déjà bien confuse du " Brexit
". Elle a d'ailleurs créé de sérieux remous en marge du sommet,
mercredi, et dans les institutions européennes. Les Etats membres les plus
directement menacés par la montée en puissance d'indépendantismes régionaux
sont les premiers à réagir. A commencer par le premier ministre espagnol,
Mariano Rajoy, confronté au risque d'une sécession catalane, qui s'opposera "
à toute négociation menée avec quelqu'un de différent que le gouvernement du
Royaume-Uni ".
" L'Ecosse a le droit d'être écoutée à
Bruxelles, je l'écouterai avec attention, mais nous n'avons pas l'intention
d'interférer dans la politique intérieure britannique ", a assuré le président de la
Commission européenne, Jean-Claude Juncker, pour justifier sa rencontre,
après le sommet des chefs d'Etat et de gouvernement, avec la dirigeante
écossaise.
S'il n'est pas question de " négocier "
quoi que ce soit, le symbole n'en est pas moins là. La Commission
voudrait-elle faire monter la pression sur le camp des " Brexiters
", en donnant corps, symboliquement, aux revendications d'indépendance
de l'Ecosse, qu'elle ne s'y prendrait pas autrement. Ce n'est certes pas la
première fois que l'institution s'invite dans le jeu politique des pays
membres : Jean-Claude Juncker avait dit ce qu'il pensait du référendum grec,
en juin 2015, du référendum néerlandais sur l'accord d'association avec
l'Ukraine en avril 2016 et aussi, à bien des reprises, du référendum
britannique. Il avait déjà rencontré Mme Sturgeon à Bruxelles, en juin
2015, mais dans un -contexte bien moins dramatique.
Le président du Conseil européen, Donald Tusk, s'est
en revanche abstenu de toute rencontre avec la chef du gouvernement écossais.
" Ce n'est pas le bon moment ",explique-t-on dans son
entourage, en précisant que, s'il a conscience de devoir rester très prudent,
l'ancien premier ministre polonais a beaucoup de compréhension pour les
Ecossais.
" Vraiment pas le moment "
Dans la matinée, dès son arrivée à Bruxelles, Nicola
Sturgeon s'était rendue au Parlement européen. A gauche comme à droite, une
grande prudence prévalait aussi après la visite. Le président de l'Assemblée,
Martin Schulz, avait déjà indiqué la veille que, s'il recevait " à sa
demande " Mme Sturgeon, c'était sans aucune volonté
d'interférer dans " le débat interne " au Royaume-Uni. Mais
l'Ecossaise a été accueillie chaleureusement par les divers mouvements
régionalistes comme par les Verts. " Il faut qu'à un moment du
processus de négociation de l'Union européenne avec le Royaume-Uni l'Ecosse
et l'Irlande du Nord soient aussi autour de la table ", a -demandé
l'eurodéputé belge -Philippe Lamberts, coprésident du groupe écologiste.
La question, pour le moment, est encore théorique,
d'autant que les négociations sur le " Brexit " n'ont même pas
commencé avec Londres. Elle risque néanmoins de se poser à un moment ou à un
autre du processus. Mais tous -conviennent de l'extrême sensibilité du sujet.
" La première ministre écossaise doit avoir la possibilité de se
faire entendre, mais la négociation se fera avec le Royaume-Uni et non pas
avec une partie du Royaume-Uni ",a ainsi précisé le président
français, François -Hollande. " Ce n'est vraiment pas le moment, vu
le contexte politique déjà chaotique au Royaume-Uni, cela risque de rajouter
une crise à la crise ", renchérit un diplomate.
Nombre d'experts sont tout aussi inquiets :
" C'est, une fois de plus, une politique à courte vue qui se manifeste.
On peut avoir envie de se venger des “méchants Anglais”, mais ouvrir la
porte, demain, à tous les régionalistes serait suicidaire ",
explique Jean-Michel De Waele, professeur de sciences politiques et
spécialiste de l'Europe à l'Université libre de Bruxelles, très sceptique
face une hypothétique Europe des régions : " Ce serait jouer aux
apprentis sorciers. " Un point de vue partagé par nombre de
responsables continentaux, n'en déplaise aux Ecossais.
Cécile Ducourtieux, Marc Semo et Jean-Pierre
Stroobants
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Pour moi, l´Ecosse c´est fini (Capri aussi; et dire que c´était un pays que je trouvais sympa; ¿qui ne se souvient pas de la perfide Albion; de toutes nos défaites, en Espagne, et même en France, contre elle?). L´opportunisme, c´est ce qui conduit, à la longue (et à la courte aussi) aux dictatures.
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