Emile Poulat ha muerto. Gracias
maestro
De vuelta de una conferencia en Córdoba, donde cité a Emile Poulat, uno de
mis “maîtres à penser”, leo con profunda emoción agradecida su obituario en “Le
Monde” fechado el 03/12/14. No puedo sino transcribirlo. Quien haya leído mis textos,
particularmente mi libro “Los cristianos, ¿en la sacristía o tras la pancarta”,
PPC 2013, habrá comprobado mi deuda hacia Poulat. Gracias maestro
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Emile Poulat
Historien du catholicisme
Sociologue des religions et
historien du catholicisme, Emile Poulat est mort le 22 novembre à Paris à
l'âge de 94 ans.
Né à Lyon le 13 juin
1920 au sein d'une famille très catholique, Emile Poulat grandit à
l'ombre de l'église Saint-Polycarpe, dédiée à un saint associé aux premiers
âges chrétiens en Gaule – un passé mythique qui l'impressionne et le marque
durablement.
Il partage son enfance,
heureuse et libre – son père répète à ses cinq fils : " Soyez
indépendants, suivez votre conscience " – entre sa ville natale et
Paris, dans le quartier populaire de Belleville-Ménilmontant, où la famille se
fixe quand l'adolescent a 13 ans.
C'est à Paris qu'il fait
deux rencontres déterminantes : la fille de Zéphirin Camélinat (1840-1932),
trésorier de la Commune
de 1871, franc-maçon et premier candidat communiste à l'élection présidentielle
de 1924, et Jean Longuet, petit-fils de Karl Marx, dont le père Charles fut
l'allié de Camélinat pour refonder le socialisme à la fin du XIXe siècle.
Un choc des héritages dont
Poulat fera son miel : " La mythologie de mon enfance, ce sont ces deux
grands symboles : le Mur des fusillés au Père-Lachaise, le Mur des otages de la Commune , rue Haxo. "
Il se conforme d'abord à la
stricte observance des options religieuses de son milieu, étudiant à l'école
secondaire diocésaine de Conflans, puis aux facultés des lettres de Paris et de
Strasbourg tout en fréquentant le séminaire.
Mais après avoir vécu à la
fin des années 1930 les déchirures que la montée des totalitarismes en Europe
opéraient dans son milieu et sa génération, il a 20 ans à l'heure de la
débâcle.
Refusant de partir en
Allemagne pour le service du travail obligatoire (STO) en 1943, il
désobéit. Désobéissance civile, mais aussi religieuse, puisque les évêques
incitaient au départ. Il passe à la clandestinité, et sous un nom d'emprunt,
trouve refuge dans un collège de Saint-Gervais (Haute-Savoie) où il enseigne
les lettres.
A la Libération , il confirme
son engagement de pédagogue, avant de gagner comme lecteur l'université allemande
de Fribourg-en-Brisgau (1948-1950), où il obtient son doctorat de théologie.
L'aventure des prêtres-ouvriers
Il renoue alors avec la
discipline de l'Eglise. Tout juste ordonné prêtre, à Notre-Dame de Paris en
mars 1945, il fraie avec le Mouvement missionnaire français qui entend
analyser le monde contemporain comme on part en exploration dans un monde
inconnu : comprendre la société occidentale et la situation de l'Eglise dans
cette société. Le chantier scientifique amorcé par Emile Poulat relève dès lors
de la sociologie religieuse.
Le compagnonnage avec les
prêtres-ouvriers lui donne le sentiment de participer à l'effervescence de
l'Eglise de France, malgré la distance que crée la posture de l'analyse
critique de l'intellectuel. Et, de fait, quatre années durant, il vit son
ministère dans le monde du travail (compagnie d'assurances, laboratoire
d'électrochimie…), partageant l'aventure de ces nouveaux missionnaires.
Aussi, lorsqu'en 1954
Pie XII condamne une expérience que le dominicain Marie-Dominique Chenu a
qualifiée de " plus grand événement religieux depuis la Révolution française
", intimant aux prêtres de quitter les usines, Poulat renonce au
sacerdoce.
L'année suivante, double
virage, il se marie – avec Odile, formant pour plus d'un demi-siècle un couple
fusionnel – et entre, sous l'égide de Gabriel Le Bras, au CNRS, section
sociologie.
Attaché (1955), chargé de
cours (1958), maître de recherches (1962), directeur enfin (1968-1987), il
grimpe tous les échelons de l'établissement où il avait participé dès 1954 à la
fondation du premier Groupe de sociologie des religions.
Son défi ? Traiter en
historien comme en sociologue l'histoire conflictuelle entre les catholicismes
français et romain : crise moderniste et réaction intégriste, tensions et déchirements
dans un champ social où la bourgeoisie s'effraie d'un prolétariat
révolutionnaire à bannir.
Sa thèse est soutenue en
Sorbonne alors même que s'ouvre le concile Vatican II (1962). Sitôt la somme
éditée dans une version abrégée, Emile Poulat intègre la VIe section de l'Ecole
pratique des hautes études (EPHE) – celle qui s'autonomise en 1975 en
EHESS. Il y exercera son magistère jusqu'en 2007.
Désormais, il suit les
évolutions de l'Eglise en s'attachant à dialoguer avec chacun, soucieux que les
désaccords, manifestes au lendemain du virage voulu par Jean XXIII et accompli
par Paul VI, ne dégénèrent en conflits, voire en rupture. Cette posture
originale l'amène à devenir une référence dès qu'il s'agit de comprendre la
place du religieux dans la cité. D'où ses travaux sur le rejet maçonnique ou la
laïcité.
" Eveilleur de conscience "
Par son bagage largement
transdisciplinaire, par sa curiosité et son sens du concret, sa soif de
comprendre que n'étouffe aucun présupposé ni préjugé, Emile Poulat devient un
recours intellectuel quand les brûlures du monde brouillent l'entendement.
Il a tout lu, tout saisi. Préfacier
généreux, intervenant infatigable, de colloque en revue, il est aussi le
recordman de la note critique – dépassant le score déjà faramineux des
comptes-rendus signés par l'historien Lucien Febvre.
Savant d'exception, champion
chrétien de la laïcité, " éveilleur de conscience " pour
certains, Emile Poulat avait reçu, en décembre 2012, des mains du
président François Hollande les insignes d'officier de la Légion d'honneur. Il laisse
aux yeux de tous le souvenir d'un esprit aussi libre que rigoureux.
Philippe-Jean Catinchi
©
Le Monde
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